Marc
Elder est issu d'une famille de la bourgeoisie nantaise. On sait peu
de chose sur sa jeunesse hormis le fait qu'il fut très tôt orphelin
de père. Enfant, il passait ses vacances à La Bernerie-en-Retz,
station balnéaire très prisée par les Nantais et sortait souvent
en mer avec les pêcheurs de la baie de Bourdneuf. Cette expérience
lui inspira plus tard la trame de son roman "Le peuple de la mer".
Le
Peuple de la mer obtient le prix Goncourt en 1913, au onzième
tour de scrutin, l'année où Marcel Proust publie ‘’Du côté de
chez Swann, sans que ce roman soit cependant retenu dans la liste
finale, contrairement à Alain-Fournier avec ‘’Le Grand Meaulnes
et Léon Werth avec ‘’La Maison blanche’’ qui sont
âprement discutés durant trois heures dans les tours précédents
alors que Roger Martin du Gard faisait ouvertement campagne pour son
propre roman ‘’Jean Barois’’.
Le
Peuple de la mer, c'est un ensemble de 3 chroniques : La Barque,
la Femme, la Mer, qui racontent la vie des habitants du village de
l'Herbaudière, sur l'île de Noirmoutier. L'auteur y décrit les
destins qui s'entrecroisent de marins, de pêcheurs ou de gardiens de
Phares...
LA
BARQUE
Neuf
heures sonnaient au timbre fêlé de l’église quand Urbain Coët
sortit de chez Goustan. Sur le seuil, que la lampe teinta de lumière
rouge, le vieux Mathieu l’assura de nouveau en lui serrant la main
:
―
Et
tu seras content, mon gars, ta barque sera belle !
Urbain
partit, emporté doucement, comme à la voile, par son cœur et
roulant dans le bonheur. Ses galoches fouettaient le pavage inégal
du quai, dominé de mâtures à demi effacées par la nuit. Il savait
que sa barque reposait là-bas de l’autre côté du port, sous un
hangar indistinct, mais vers lequel il regarda par habitude et par
plaisir. Il crut rêver et s’arrêta court. Une lueur a fulguré
dans les ténèbres et l’eau lui apporte un craquement de planches,
un froissement de copeaux.
D’instinct,
il s’immobilise, en arrêt, sondant la nuit de tous ses sens. Et il
devine les mouvements d’une ombre sous l’enclos du chantier.
Silencieusement Urbain tire ses galoches, se trousse et descend à la
yole qui flotte au bas de l’escalier. Il déborde sans bruit,
glisse à coups étouffés de godille, accoste. Mais à peine
arrive-t-il au coin du baraquement qu’une flambée lui brûle les
yeux. D’un saut, Coët tombe sur un homme accroupi, l’enlève et
d’un effort énorme le culbute en plein port. Un choc sur la mer.
Coët
s’est jeté vers le feu qu’il étouffe sous sa vareuse, sous ses
pieds, follement. Les flammes s’affaissent, s’écrasent, et il
poursuit, le béret au poing, celles qui rampent.
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