Quand
est-ce que cela m’a pris ?? A la télé en regardant Intervilles ?
A une fête dans mon village ? Je ne sais plus ! Mais ce que je sais
c’est qu’il me semble que depuis toujours j’ai voulu être
majorette. Je les trouvais belles, gaies, bien habillées. Quand
elles défilaient dans les rues de mon village, derrière les
pompiers, j’étais au premier rang. Je criais et j’applaudissais
à tout rompre. Surtout la majorette chef qui marchait en tête avec
son bâton. Quelle artiste, quelle adresse. Combien de carreaux
cassés et de personnes assommées pour en arriver là ? Moi je
m’entraînais dans la cour derrière la maison. Pour me donner le
rythme je chantais à tue-tête, au choix, la Marseillaise ou des
chansons de Clo-Clo et Sheila. Mais le mieux c’était devant la
télé le 14 juillet. Là j’en avais pour deux heures de défilé
avec de la vraie musique militaire. Je me régalais ! Sauf avec les
légionnaires ! Trop lente leur musique. Ils ont pas l’esprit
‘’majorette’’ ceux-là. Pépé râlait bien un peu ! ‘’Pousse
toi de devant la télé, j’y vois rien’’. Ma mère rigolait
mais m’interdisait de jouer avec le manche à balai. Y a que mon
père qui me regardait d’un drôle d’air…
Vers
15, 16 ans j’ai voulu me faire mon uniforme. J’ai appris un peu à
coudre. Y avait tout ce qu’il fallait dans la trousse à couture de
mémé. Et j’ai dévalisé la mercière de tout ce qui brillait :
tissu, boutons, festons, galons… Tant bien que mal j’ai fait une
jupette et un chemisier. J’ai piqué une paire de collants à ma
mère. J’ai eu un peu de mal avec le chapeau et le coq y a perdu
deux plumes… Mais la vraie difficulté ça a été avec les
bottines. Faut dire que j’ai des grands pieds, des chevilles et des
mollets costauds. C’est un avantage dans la cour de l’école
pour le tir à la corde. Quand j’ai planté mes battoirs dans le
sol faut souquer fort pour me déloger… Mais faire rentrer mes
arpions dans des petites bottines vernies blanches, c’était une
autre paire de manches… J’ai donc pris des bottes en caoutchouc
d’homme. Mais blanches quand même.
Devant
ma glace je trouvais l’ensemble assez réussi. J’avais une
certaine allure.
Y
a que mon père… Je le voyais de temps en temps regarder ma mère
en hochant la tête vers moi l’air de dire :’’ Tu es sûre que
ça va bien ?’’ et ma mère lui répondait avec un sourire
voulant dire :’’ Laisse donc, ça lui passera…’’
Malgré
tous mes efforts, ils n’ont jamais voulu de moi à l’harmonie
municipale. Un jour le chef a demandé à voir ma mère. Je les ai
vus discuter de loin. Il haussait les épaules en écartant les bras
et en faisant non de la tête. Je l’ai entendu dire d’une voix
effondrée :’’ Non, Paulette, (c’est le petit nom de ma mère)
tu ne peux pas me demander ça !’’
Petit
à petit ma mère m’a fait comprendre que je ne serai jamais
majorette ! J’ai trouvé très injustes les raisons qu’elle me
donnait. Mais enfin il a bien fallu me rendre à l’évidence. A
nous deux, en en parlant souvent et très intimement on a trouvé un
juste milieu. J’ai finalement choisi un métier alliant la musique,
l’uniforme, le pas cadencé, le bâton… Je suis devenu tambour
major dans l’orchestre de la Garde républicaine! Mais j’ai
toujours un vieux regret dans la tête. Mon commandant me dit souvent
:’’ Marcel quand tu défiles ne lève pas tes genoux aussi haut!
On dirait une majorette !’’ L’imbécile…
J'ai beaucoup aimée ton récit , tellement réaliste, qu'un instant je me suis vue le bâton à la main, petite fille, sortant de l'école pour rejoindre ma cousine à notre court de danse classique. Merci pour ces souvenirs que j'avais oubliées.
RépondreSupprimermerci de ton commentaire
Supprimerha c'était toi? maintenant je saurai
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