Juive
de Tunisie, petite-fille d'Emma qui alimenta jadis la chronique de La
Goulette, Rachel Aboulafia, devenue Madame Maud, trône derrière le
comptoir du bistrot des trapézistes, aux Filles-du-Calvaire. Rousse
plantureuse, elle règne sur le petit monde interlope où se côtoient
artistes du Cirque d'Hiver voisin, souteneurs, prostitués des deux
sexes, rabbins et danseuses nues, bouchers et mercières, professeurs
de danse russes et flics de la mondaine. Dans cette peinture du Paris
clandestin et grouillant des hors-la-loi et des paumés, Pierre
Combescot ressuscite le grand roman populaire du XIX e siècle, non
sans le moderniser radicalement grâce à un déploiement fastueux de
virtuosité baroque. Épopée picaresque, dont la parabole secrète
s'inspire du mythe de Parsifal, mais qui se lit d'abord comme une
suite d'aventures merveilleuses, de trouvailles cocasses, d'images
insolites
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Au
vrai, la chose ne fut jamais formellement établie. Après tant
d’années, qui aurait l’idée de feuilleter de vieux calendriers
pour le plaisir de vérifier une date oubliée ? En outre, si
d’aventure celle-ci se révélait inexacte, cette découverte
aurait pour conséquence immédiate de détruire l’étonnant
ouvrage du hasard, lequel, si l’on y songe, souligne encore mieux
l’évidence de ce jour comme le seul propice au dénouement d’une
affaire dont peu, certes, se souviennent, mais qui, à l’époque,
avait bouleversé le quartier et, bien au-delà, fait sentir ses
effets jusqu’aux Enfants-Rouges et dans la synagogue de la rue
Pavée, tant la figure de Madame Maud avait su acquérir en quelques
décennies cette sorte de popularité, défiant les frontières
artificielles des avenues et des boulevards dans un Paris où,
généralement, chacun s’entend à ne voir pas plus loin que le
coin de sa rue. En fait, il y eut plusieurs « affaires » qui, si
embrouillées fussent-elles, finirent cependant par n’en former
qu’une seule dans l’esprit populaire, puisque toutes les pistes
menaient à une même personne. Ce fut également, si l’on s’en
souvient, ce jour où la presse, de droite comme de gauche, unanime
quant aux éloges, annonça le décès brutal de l’académicien
Thierry Le Cailar-Dubreuil, l’auteur célèbre de La Vie inquiète
de Judas Iscariote. Toutefois, doit-on l’avouer, ni la renommée de
l’écrivain, ni même son passé de collabo, depuis longtemps
oublié, n’agitèrent les rédactions, mais plutôt sa mort,
hautement suspecte, dans un claque de la rue Rochechouart, au numéro
76, immeuble où jadis avait été arrêté Henri Désiré Landru.
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