Incipit
improbable d’un roman que je n’écrirai
jamais
L’exilé
d’Ischia
suspendu
dans une sorte de perfection. Où l’homme
semble
à sa juste place dans un monde de beauté
de
sérénité, d’équilibre. C’est ce que je ressens en
cette
fin d’après-midi du mois de sextilis. De la
terrasse
de ma villa, face à la mer, allongé sur mon
lit
de repos je vois le soleil descendre peu à peu
vers
l’horizon. Pas un souffle de vent, une mer
calme,
plate sans trace d’écume, un ciel pur sans
nuage
; sauf quelques filaments qui semblent se
précipiter
vers l’endroit où le soleil va plonger dans
la
Méditerranée pour m' offrir un spectacle digne
de
la création du monde. Le silence est juste brisé
par
le gazouillis d’un couple de chardonnerets
voletant
dans une grande volière derrière moi. Un
monde
tel que l’avaient voulu les dieux, tel qu’ils
l’avaient
donné aux hommes ; mais que les hommes
avaient
dévasté, saccagé, abreuvé de sang, réduit à
leurs
ambitions et à leurs jouissances personnelles,
fâchant
ainsi les dieux et les rendant sourds à
Un
bruit de sandales sur le sol en tuiles rouge
m’annonce
l’arrivée d’un esclave venant allumer les
torchères
et m’apporter une légère collation faite
d’une
carafe de vin rouge, de fromage de chèvre,
d’olives,
le tout produits de mes terres autour de la
villa,
et d'une miche de pain que le boulanger du
village
monte à la villa à chaque fournée. C'est aussi
le
moment où mon fils adoptif Epaphrodite vient
protéger
mes vieux os de l’humidité qui monte de la
mer
avec une chaude couverture de laine. Il
s’installe
à côté de moi et nous devisons pendant
une
petite heure durant laquelle j’essaye de lui
transmettre
le peu que j’ai appris durant ma longue
vie.
80 ans. A notre époque c’est presque un début
d’éternité.
La proximité des thermes d’eaux
chaudes
et sulfureuses de Casamicciola avait été
une
des raisons de mon installation à Ischia et trois
bains
par semaine soulagent mes rhumatismes et
mes
articulations rouillées.
Mais
en dehors de cela, j’ai toujours préféré Ischia
à
Capri. J’ai été amené à y suivre plusieurs fois
Tibère.
Mais rapidement je n’ai plus supporté,
malgré
le faste de son palais, les scènes de torture,
d’humiliation,
d’assassinats dont j’ai été le témoin ;
les
jeunes éphèbes jetés du haut de la falaise dans
la
mer où des pécheurs achevaient à coups de
rames
les survivants. La terreur qu’inspirait Tibère
ne
s’imposait pas qu’aux capriotes, mais à toute la
cour
qui le suivait. J’ai encore au fond de ma
conscience
quelques actes de lâcheté dont je ne me
suis
jamais totalement remis. La peur explique
beaucoup
de comportements mais n’en justifie
aucun,
la bassesse du courtisan moins qu’un autre.
Et
les quatre empereurs sous lesquels j’ai vécu ont
usé
et abusé de la terreur et ne représentent pas
la
période la plus glorieuse de l'histoire de Rome.
Tibère
tué par Caligula , Caligula, assassiné par sa
garde, Claude,
empoisonné par sa femme Agrippine.
Je ne vois
pas comment notre imperator actuel,
Néron, pourrait
échapper à une fin aussi violente…
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