mercredi 3 avril 2019

Incipit 79 - Goncourt 1911 - Monsieur des Lourdines




Alphonse de Chateaubriant (1877-1951) fut un chantre de la collaboration durant l’occupation de la France par les allemands.

La pourpre des noisetiers, le safran des érables, les châtaigniers et les hêtres aux branches alourdies de pluie... L'odeur des champignons, si proche de celles de l'arbre et de la terre...
Cette forêt poitevine dont il a parcouru les sentiers pendant si longtemps, Monsieur des Lourdines en sera-t-il chassé, par la folie de son fils? 
 
''Il y avait plus de deux heures que les quatre hommes, descendus dans le fossé creusé autour de l'ormeau, un ormeau gigantesque, entaillaient le pied à grands coups de hache. Presque toutes les lignes souterraines se trouvaient tranchées, mais l'arbre tenait bon encore. A chaque atteinte, l'aubier, frais et dur, sautait. « Han!... Han ! » anhélaient en mesure les poitrines. Témoin de cette « cognée », le maître se tenait à quelques pas plus loin. Il semblait ne pas vouloir s'approcher du bord. Sur sa fîgure, une crispation répondait au retentissement des haches ; et, de temps à autre, il levait un regard triste et contrarié sur une des fenêtres du château, au-dessus de lui. « C'est bien dommâge se murmurait-il à lui-même... bien dommâge ! »
C'est qu'avec des racines saines comme il les a, il faut y mettre la double force ! fit entendre un des hommes, en portant son coup à tour de bras.
On était à la mi-novembre. Il avait plu pendant huit jours ; ce matin, toutes les feuilles s'égouttaient. La lumière, avec des éclats de givre dans le brouillard, argentait les bois ; et les herbes fumaient, toutes blanches, au large desquelles paissaient des troupeaux de vaches.
Un des travailleurs, qui se distinguait dans l'équipe par des cheveux gris et une courte blouse nouée sur le ventre, reposa sa hache, et, de même, les autres s'arrêtèrent. Il toucha le tronc et leva les yeux vers la cime.
Dis, Célestin... demanda le maître, il serait peut-être temps d'attacher la corde ?''

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