dimanche 28 avril 2019

Mes 100 films (201-300) 249 - Pain, amour et fantaisie


Pain, amour et fantaisie (1953) Luigi Comencini
G. Lollobrigida, V. de Sica, Roberto Riso

Dans un village d'Italie du Sud, un chef de gendarmerie courtise deux jeunes femmes. L'une d'elles, "La Bersagliera", est éprise de son subordonné, un jeune carabinier.

Un charme désuet mais un charme extrême pour ce petit film agréable qui s'appuie joliment sur une belle galerie de personnages principaux et secondaires . Gina Lollobrigida, aussi sentimentale que piquante au sommet de sa très grande beauté, est sublime ; face à elle Vittorio De Sica prouve si besoin était que la classe et la drôlerie n'ont absolument aucun secret pour lui. Une bouffée d'air frais Made In Italy. 

 

vendredi 26 avril 2019

Radioscopie 1 - Jacqueline Delubac

Il n’y a rien à la télé ?
Ecoutez la radio.
Radioscopie
Jacques Chancel reçoit
Jacqueline Delubac
France inter - 1976


jeudi 25 avril 2019

Demain sur votre écran - Radioscopie - Jacques Chancel

  Chaque jour, à 17h, et pendant presque 20 ans, Jacques Chancel a reçu et interrogé les grands personnages de notre temps. Radioscopie.

S’ouvrant sur l’inoubliable générique composé par Georges Delerue, Radioscopie, créée en 1968 et diffusée sur les ondes de France Inter, a accueilli les femmes et les hommes qui ont marqué leur époque.
Au fil des émissions, Jacques Chancel a su réinventer l’art de l’entretien radiophonique, par la qualité de son écoute et sa curiosité.
Virtuose de la conversation, la justesse de ses questions instaurait un dialogue généreux où les invités de prestige étaient amenés à se découvrir. Ils sont nombreux les artistes, écrivains, intellectuels et politiques à s’être prêtés à ce jeu de vérité: Georges Brassens, Serge Gainsbourg, François Truffaut, Georges Marchais, Marguerite Yourcenar, Jean-Paul Sartre, ou encore André Malraux.
Au gré de notre fantaisie nous allons plonger dans les archives de cette émission mythique.
Demain c’est Jacqueline Delubac qui répondra aux questions de Maître Jacques.
Prenez 50’ de votre WE, ça vaut vraiment le coup. 

 

Jacqueline Delubac

J’ai 50 ans, Jacqueline en a 25, il est donc normal qu’en ce jour, elle devienne ma moitié ! (Sacha Guitry)



Jacqueline Delubac (1907-1997) fut la troisième épouse de Sacha Guitry, et l'interprète de onze de ses films.
Élevée à Valence dans la Drôme, Jacqueline arrive à Paris en 1927 pour prendre des cours de danse et de chant. Elle obtient rapidement quelques petits rôles dans des revues, puis au théâtre et au cinéma.
 Elle se lie avec Jean Sablon, Marcel Achard, Léon-Paul Fargue. À l'automne 1931, un de ses amis parle d'elle à Sacha Guitry qui cherche une jeune et jolie comédienne capable de jouer avec l'accent anglais dans sa pièce ‘’Villa à vendre’’. Guitry la convoque, l'engage et lui fait une cour discrète. L'été 1934, Sacha, quitté par l'infidèle Yvonne Printemps, se fait pressant. Jacqueline, séduite, cède. Le 21 février 1935, elle épouse Guitry, qui a 50 ans, 22 ans de plus qu'elle. Il annonce leur mariage en déclarant : « J'ai le double de son âge, il est donc juste qu'elle soit ma moitié », rajeunissant légèrement et galamment la mariée (et dès lors, pour la beauté du mot et l'exactitude des comptes, Jacqueline prétendra être née en 1910 et non en 1907).
 Guitry fait d'elle une actrice applaudie au théâtre, et au cinéma. Elle joue dans 23 pièces de son mari, 10 créations et 13 reprises, et interprète 11 de ses films. Son jeu dans les films du maître est étonnant de naturel et de modernité. Son charme physique fait d'elle l'une des Françaises les plus séduisantes de l'entre-deux-guerres.
Après son divorce, le 5 avril 1939, elle joue encore dans une dizaine de films de Pabst, Tourneur, L'Herbier et dans quelques pièces de théâtre. En avril 1940, son mariage avec Leslie Hore-Belisha, homme politique britannique, ancien ministre de la guerre, est annoncé puis démenti. Elle épouse un diamantaire d'origine arménienne, Miran Eknayan. Au début des années 1950, elle abandonne définitivement cinéma et théâtre, et se consacre à une remarquable collection d'art impressionniste et moderne, Degas, Rodin, Renoir, Manet, Modigliani, Picasso, Bacon, dont elle a fait don, en grande partie, au musée des Beaux-Arts de Lyon, sa ville natale. Sa splendide collection personnelle de vêtements des années 60 aux années 90, plus de 600 pièces, a été offerte au Musée de la Mode et du Textile de Paris.


Après son divorce avec Guitry, sa carrière s’essouffle. "J'étais tellement guitrysée au théâtre comme au cinéma que les metteurs en scène avaient peur que je ne me déguitryse point", explique-t-elle.
Elle joue dans un film passé inaperçu, J'ai dix-sept ans (1945) d'André Berthomieu, puis, quatre ans plus tard, dans un policier et une comédie de Raymond Leboursier, avant de s'éclipser définitivement du monde du cinéma.
Elle meurt le 14 octobre 1997, après avoir été heurtée accidentellement par un cycliste.
Cherchant une robe pour un bal elle sortait de chez Hermès pour aller chez Lanvin… Elle avait 90 ans...
Demain elle sera chez Jacques Chancel pour sa Radioscopie.
Le charme de Jacqueline Delubac 


dimanche 21 avril 2019

mercredi 10 avril 2019

Queer habibi



C’est en janvier 2018 que Queer Habibi, mot affectueux pouvant se traduire par « chéri.e » ou « mon amour », a fait son apparition sur Twitter, et sur instagram. Le but de ce projet de dessin ? Illustrer, rendre visible, normaliser les personnes LGBT+ arabes. « Mon projet vise à représenter une cible de niche, la communauté LGBTQA+ de la péninsule arabique, qui est souvent sous-estimée, jugée comme un groupe social inexistant ».
« Je veux montrer au monde que l’on peut vivre dans des pays arabes et être queer en même temps, et qu’il n’y a aucun mal à ça  ». 
Dans une interview accordée à Pink News sous couvert d’anonymat, l’artiste, que le site américain genre au masculin, explique sa démarche. « Ma propre volonté de sensibiliser m’a poussé à créer Art Queer Habibi pour éduquer et informer mes followers sur le fait qu’il y a des personnes LGBTQA+ dans les pays arabes autant que dans le reste du monde. »
L’artiste confie recevoir de nombreux messages de soutien, et de soulagement, de la part de ces personnes que son imaginaire croque avec délicatesse et dévotion. « Je vois avouer que c’est ce sentiment d’honneur et de devoir qui me pousse à continuer, en dépit des critiques, et de quelques menaces mineures ». 
 

Petites et grandes histoires des chansons - 100 - Petite fille de français moyen

Il n’y a rien à la télé, écoutez la radio

Petite histoire, petits secrets de chansons qui ont

marqué nos mémoires

Chroniques de Bertrand Dicale sur France info.

Aujourd’hui "Petite fille de français moyen"



Cette ‘’petite fille de français moyen ‘’ est la 100ème chanson de cette rubrique et nous allons l’abandonner... pour l’instant. J’en ai encore une bonne cinquantaine sous le coude.

Mais la chanson est un vivier inépuisable et nous allons aller fouiller dans une émission culte de France Inter ‘’La prochaine fois je vous le chanterai’’ où Philippe Meyer nous révèle que pour la chanson aussi ‘’A deux c’est mieux’’.


mardi 9 avril 2019

Petites et grandes histoires des chansons - 99 - Le bal des Laze


Il n’y a rien à la télé, écoutez la radio

Petite histoire, petits secrets de chansons qui ont

marqué nos mémoires

Chroniques de Bertrand Dicale sur France info.

Aujourd’hui "Le bal des Laze"


lundi 8 avril 2019

Petites et grandes histoires des chansons - 98 - Animal on est mal

Il n’y a rien à la télé, écoutez la radio

Petite histoire, petits secrets de chansons qui ont

marqué nos mémoires

Chroniques de Bertrand Dicale sur France info.

Aujourd’hui "Animal on est mal"



dimanche 7 avril 2019

Petites et grandes histoires des chansons - 97 - Nous sommes 2 soeurs jumelles


Il n’y a rien à la télé, écoutez la radio

Petite histoire, petits secrets de chansons qui ont

marqué nos mémoires

Chroniques de Bertrand Dicale sur France info.

Aujourd’hui " Nous sommes 2 soeurs jumelles"


samedi 6 avril 2019

Jean Racine - Phèdre acte 5




ACTE V
Scène 1
HIPPOLYTE, ARICIE
ARICIE
Quoi ! vous pouvez vous taire en ce péril extrême ?
Vous laissez dans l’erreur un père qui vous aime ?
Cruel, si, de mes pleurs méprisant le pouvoir,
Vous consentez sans peine à ne me plus revoir,
Partez, séparez-vous de la triste Aricie ;
Mais du moins en partant assurez votre vie,
Défendez votre honneur d’un reproche honteux,
Et forcez votre père à révoquer ses vœux :
Il en est temps encor. Pourquoi, par quel caprice, Laissez-vous le champ libre à votre accusatrice ? Eclaircissez Thésée.
HIPPOLYTE
Eh ! que n’ai-je point dit !
Ai-je dû mettre au jour l’opprobre de son lit ?
Devais-je, en lui faisant un récit trop sincère,
D’une indigne rougeur couvrir le front d’un père ?
Vous seule avez percé ce mystère odieux.
Mon cœur pour s’épancher n’a que vous et les dieux.
Je n’ai pu vous cacher, jugez si je vous aime,
Tout ce que je voulais me cacher à moi-même.
Mais songez sous quel sceau je vous l’ai révélé.
Oubliez, s’il se peut, que je vous ai parlé,
Madame ; et que jamais une bouche si pure
Ne s’ouvre pour conter cette horrible aventure.
Sur l’équité des dieux osons nous confier ;
Ils ont trop d’intérêt à me justifier :
Et Phèdre, tôt ou tard de son crime punie,
N’en saurait éviter la juste ignominie.
C’est l’unique respect que j’exige de vous.
Je permets tout le reste à mon libre courroux :
Sortez de l’esclavage où vous êtes réduite ;
Osez me suivre, osez accompagner ma fuite ;
Arrachez-vous d’un lieu funeste et profané
Où la vertu respire un air empoisonné ;
Profitez, pour cacher votre prompte retraite,
De la confusion que ma disgrâce y jette.
Je vous puis de la fuite assurer les moyens :
Vous n’avez jusqu’ici de gardes que les miens ;
De puissants défenseurs prendront notre querelle ; Argos nous tend les bras, et Sparte nous appelle :
A nos amis communs portons nos justes cris ;
Ne souffrons pas que Phèdre, assemblant nos débris,
Du trône paternel nous chasse l’un et l’autre,
Et promette à son fils ma dépouille et la vôtre.
L’occasion est belle, il la faut embrasser...
Quelle peur vous retient ? Vous semblez balancer !
Votre seul intérêt m’inspire cette audace :
Quand je suis tout de feu, d’où vous vient cette glace ? Sur les pas d’un banni craignez-vous de marcher ? ARICIE
Hélas ! qu’un tel exil, seigneur, me serait cher !
Dans quels ravissements, à votre sort liée,
Du reste des mortels je vivrais oubliée !
Mais, n’étant point unis par un lien si doux,
Me puis-je avec honneur dérober avec vous ?
Je sais que, sans blesser l’honneur le plus sévère,
Je me puis affranchir des mains de votre père :
Ce n’est point m’arracher du sein de mes parents ;
Et la fuite est permise à qui fuit ses tyrans.
Mais vous m’aimez, seigneur ; et ma gloire alarmée... HIPPOLYTE
Non, non, j’ai trop de soin de votre renommée.
Un plus noble dessein m’amène devant vous :
Fuyez vos ennemis, et suivez votre époux.
Libres dans nos malheurs, puisque le ciel l’ordonne,
Le don de notre foi ne dépend de personne.
L’hymen n’est point toujours entouré de flambeaux.
Aux portes de Trézène et parmi ces tombeaux,
Des princes de ma race, antiques sépultures,
Est un temple sacré formidable aux parjures.
C’est là que les mortels n’osent jurer en vain :
Le perfide y reçoit un châtiment soudain ;
Et, craignant d’y trouver la mort inévitable,
Le mensonge n’a point de frein plus redoutable.
Là, si vous m’en croyez, d’un amour éternel
Nous irons confirmer le serment solennel ;
Nous prendrons à témoin le dieu qu’on y révéré ;
Nous le prierons tous deux de nous servir de père.
Des dieux les plus sacrés j’attesterai le nom,
Et la chaste Diane, et l’auguste Junon,
Et tous les dieux enfin, témoins de mes tendresses, Garantiront la foi de mes saintes promesses.
ARICIE
Le roi vient : fuyez, prince et partez promptement.
Pour cacher mon départ je demeure un moment.
Allez, et laissez-moi quelque fidèle guide,
Qui conduise vers vous ma démarche timide.
Scène 2
THÉSÉE, ARICIE, ISMÈNE
THÉSÉE
Dieux ! éclairez mon trouble, et daignez à mes yeux Montrer la vérité, que je cherche en ces lieux !
ARICIE
Songe à tout, chère Ismène, et sois prête à la fuite. Scène 3
THÉSÉE, ARICIE
THÉSÉE
Vous changez de couleur, et semblez interdite,
Madame : que faisait Hippolyte en ce lieu ?
ARICIE
Seigneur, il me disait un éternel adieu.
THÉSÉE
Vos yeux ont su dompter ce rebelle courage ;
Et ses premiers soupirs sont votre heureux ouvrage. ARICIE
Seigneur, je ne vous puis nier la vérité :
De votre injuste haine il n’a pas mérité ;
Il ne me traitait point comme une criminelle.
THÉSÉE
J’entends : il vous jurait une amour éternelle.
Ne vous assurez point sur ce cœur inconstant ;
Car à d’autres que vous il en jurait autant.
ARICIE Lui, seigneur ? THÉSÉE Vous deviez le rendre moins volage : Comment souffriez-vous cet horrible partage ?
ARICIE
Et comment souffrez-vous que d’horribles discours
D’une si belle vie osent noircir le cours ?
Avez-vous de son cœur si peu de connaissance ? Discernez-vous si mal le crime et l’innocence ?
Faut-il qu’à vos yeux seuls un nuage odieux
Dérobe sa vertu qui brille à tous les yeux !
Ah ! c’est trop le livrer à des langues perfides.
Cessez : repentez-vous de vos vœux homicides ; Craignez, seigneur, craignez que le ciel rigoureux
Ne vous haïsse assez pour exaucer vos vœux.
Souvent dans sa colère il reçoit nos victimes :
Ses présents sont souvent la peine de nos crimes. THÉSÉE
Non, vous voulez en vain couvrir son attentat :
Votre amour vous aveugle en faveur de l’ingrat.
Mais j’en crois des témoins certains, irréprochables :
J’ai vu, j’ai vu couler des larmes véritables.
ARICIE
Prenez, garde, seigneur : vos invincibles mains
Ont de monstres sans nombre affranchi les humains ; Mais tout n’est pas détruit, et vous en laissez vivre
Un... Votre fils, seigneur, me défend de poursuivre. Instruite du respect qu’il veut vous conserver,
Je l’affligerais trop si j’osais achever.
J’imite sa pudeur, et fuis votre présence
Pour n’être pas forcée à rompre le silence.
Scène 4
THÉSÉE , seul
THÉSÉE
Quelle est donc sa pensée ? et que cache un discours Commencé tant de fois, interrompu toujours ?
Veulent-ils m’éblouir par une feinte vaine ?
Sont-ils d’accord tous deux pour me mettre à la gêne ? Mais moi-même, malgré ma sévère rigueur,
Quelle plaintive voix crie au fond de mon cœur ?
Une pitié secrète et m’afflige et m’étonne.
Une seconde fois interrogeons Œnone :
Je veux de tout le crime être mieux éclairci.
Gardes, qu’Œnone sorte, et vienne seule ici.
Scène 5
THÉSÉE, PANOPE
PANOPE
J’ignore le projet que la reine médite,
Seigneur ; mais je crains tout du transport qui l’agite.
Un mortel désespoir sur son visagc est peint ;
La pâleur de la mort est déjà sur son teint.
Déjà, de sa présence, avec honte chassée,
Dans la profonde mer Œnone s’est lancée.
On ne sait point d’où part ce dessein furieux ;
Et les flots pour jamais l’ont ravie à nos yeux.
THÉSÉE
Qu’entends-je ?
PANOPE
Son trépas n’a point calmé la reine ;
Le trouble semble croître en son âme incertaine. Quelquefois, pour flatter ses secrètes douleurs,
Elle prend ses enfants et les baigne de pleurs,
Et soudain, renonçant à l’amour maternelle,
Sa main avec horreur les repousse loin d’elle ;
Elle porte au hasard ses pas irrésolus
Son oeil tout égaré ne nous reconnaît plus ;
Elle a trois fois écrit ; et, changeant de pensée,
Trois fois elle a rompu sa lettre commencée.
Daignez la voir, seigneur ; daignez la secourir.
THÉSÉE
O ciel ! Œnone est morte, et Phèdre veut mourir !
Qu’on rappelle mon fils, qu’il vienne se défendre ;
Qu’il vienne me parler, je suis prêt de l’entendre.
Ne précipite point tes funestes bienfaits,
Neptune ; j’aime mieux n’être exaucé jamais.
J’ai peut-être trop cru des témoins peu fidèles,
Et j’ai trop tôt vers toi levé mes mains cruelles.
Ah ! de quel désespoir mes vœux seraient suivis !
Scène 6
THÉSÉE, THÉRAMÈNE
THÉSÉE
Théramène, est-ce toi ? Qu’as-tu fait de mon fils ?
Je te l’ai confié dès l’âge le plus tendre.
Mais d’où naissent les pleurs que je te vois répandre ? Que fait mon fils ?
THÉRAMÈNE
O soins tardifs et superflus !
Inutile tendresse ! Hippolyte n’est plus.
THÉSÉE
Dieux !
THÉRAMÈNE
J’ai vu des mortels périr le plus aimable,
Et j’ose dire encor, seigneur, le moins coupable.
THÉSÉE
Mon fils n’est plus ! Eh quoi ! quand je lui tends les bras, Les dieux impatients ont hâté son trépas !
Quel coup me l’a ravi ? quelle foudre soudaine ? THÉRAMÈNE
A peine nous sortions des portes de Trézène,
Il était sur son char ; ses gardes affligés
Imitaient son silence, autour de lui rangés ;
Il suivait tout pensif le chemin de Mycènes ;
Sa main sur les chevaux laissait flotter les rênes
Ses superbes coursiers, qu’on voyait autrefois
Pleins d’une ardeur si noble obéir à sa voix,
L’oeil morne maintenant, et la tête baissée,
Semblaient se conformer à sa triste pensée.
Un effroyable cri, sorti du fond des flots,
Des airs en ce moment a troublé le repos ;
Et, du sein de la terre, une voix formidable
Répond en gémissant à ce cri redoutable.
Jusqu’au fond de nos cœurs notre sang s’est glacé ;
Des coursiers attentifs le crin s’est hérissé.
Cependant, sur le dos de la plaine liquide,
S’élève à gros bouillons une montagne humide ;
L’onde approche, se brise, et vomit à nos yeux,
Parmi des flots d’écume, un monstre furieux.
Son front large est armé de cornes menaçantes ;
Tout son corps est couvert d’écailles jaunissantes Indomptable taureau, dragon impétueux,
Sa croupe se recourbe en replis tortueux ;
Ses longs mugissements font trembler le rivage.
Le ciel avec horreur voit ce monstre sauvage ;
La terre s’en émeut, l’air en est infecté ;
Le flot qui l’apporta recule épouvanté.
Tout fuit ; et, sans s’armer d’un courage inutile,
Dans le temple voisin chacun cherche un asile.
Hippolyte lui seul, digne fils d’un héros,
Arrête ses coursiers, saisit ses javelots,
Pousse au monstre, et d’un dard lancé d’une main sûre,
Il lui fait dans le flanc une large blessure.
De rage et de douleur le monstre bondissant
Vient aux pieds des chevaux tomber en mugissant,
Se roule, et leur présente une gueule enflammée
Qui les couvre de feu, de sang et de fumée.
La frayeur les emporte ; et, sourds à cette fois,
Ils ne connaissent plus ni le frein ni la voix ;
En efforts impuissants leur maître se consume,
Ils rougissent le mors d’une sanglante écume.
On dit qu’on a vu même, en ce désordre affreux,
Un dieu qui d’aiguillons pressait leur flanc poudreux.
A travers les rochers la peur les précipite,
L’essieu crie et se rompt : l’intrépide Hippolyte
Voit voler en éclats tout son char fracassé ;
Dans les rênes lui-même, il tombe embarrassé.
Excusez ma douleur : cette image cruelle
Sera pour moi de pleurs une source éternelle.
J’ai vu, seigneur, j’ai vu votre malheureux fils
Traîné par les chevaux que sa main a nourris.
Il veut les rappeler, et sa voix les effraie ;
Ils courent : tout son corps n’est bientôt qu’une plaie.
De nos cris douloureux la plaine retentit.
Leur fougue impétueuse enfin se ralentit :
Ils s’arrêtent non loin de ces tombeaux antiques
Où des rois ses aïeux sont les froides reliques.
J’y cours en soupirant, et sa garde me suit :
De son généreux sang la trace nous conduit ;
Les rochers en sont teints les ronces dégouttantes Portent de ses cheveux les dépouilles sanglantes. J’arrive, je l’appelle ; et, me tendant la main,
Il ouvre un oeil mourant qu’il referme soudain :
Le ciel, dit-il, m’arrache une innocente vie.
Prends soin après ma mort de la triste Aricie.
Cher ami, si mon père un jour désabusé .
Plaint le malheur d’un fils faussement accusé,
Pour apaiser mon sang et mon ombre plaintive,
Dis-lui qu’avec douceur il traite sa captive ;
Qu’il lui rende... A ce mot, ce héros expiré
N’a laissé dans mes bras qu’un corps défiguré :
Triste objet où des dieux triomphe la colère,
Et que méconnaîtrait l’oeil même de son père.
THÉSÉE
O mon fils ! cher espoir que je me suis ravi !
Inexorables dieux, qui m’avez trop servi !
A quels mortels regrets ma vie est réservée ! THÉRAMÈNE
La timide Aricie est alors arrivée :
Elle venait, seigneur, fuyant votre courroux,
A la face des dieux l’accepter pour époux ;
Elle approche ; elle voit l’herbe rouge et fumante ;
Elle voit (quel objet pour les yeux d’une amante ! ) Hippolyte étendu, sans forme et sans couleur.
Elle veut quelque temps douter de son malheur ;
Et, ne connaissant plus ce héros qu’elle adore,
Elle voit Hippolyte, et le demande encore.
Mais, trop sûre à la fin qu’il est devant ses yeux,
Par un triste regard elle accuse les dieux ; !
Et froide, gémissante, et presque inanimée,
Aux pieds de son amant elle tombe pâmée.
Ismène est auprès d’elle ; Ismène, tout en pleurs,
La rappelle à la vie, ou plutôt aux douleurs.
Et moi, je suis venu, détestant la lumière
Vous dire d’un héros la volonté dernière,
Et m’acquitter, seigneur, du malheureux emploi
Dont son cœur expirant s’est reposé sur moi.
Mais j’aperçois venir sa mortelle ennemie.
Scène 7
THÉSÉE, PHÈDRE, THÉRAMÈNE, PANOPE, gardes
THÉSÉE
Eh bien ! vous triomphez, et mon fils est sans vie !
Ah ! que j’ai lieu de craindre ; et qu’un cruel soupçon L’excusant dans mon cœur, m’alarme avec raison !
Mais, madame, il est mort, prenez votre victime ; Jouissez de sa perte, injuste ou légitime :
Je consens que mes yeux soient toujours abusés.
Je le crois criminel, puisque vous l’accusez.
Son trépas à mes pleurs offre assez de matières
Sans que j’aille chercher d’odieuses lumières,
Qui, ne pouvant le rendre à ma juste douleur,
Peut-être ne feraient qu’accroître mon malheur.
Laissez-moi, loin de vous, et loin de ce rivage,
De mon fils déchiré fuir la sanglante image.
Confus, persécuté d’un mortel souvenir
De l’univers entier, je voudrais me bannir.
Tout semble s’élever contre mon injustice ;
L’éclat de mon nom même augmente mon supplice :
Moins connu des mortels, je me cacherais mieux.
Je hais jusques aux soins dont m’honorent les dieux
Et je m’en vais pleurer leurs faveurs meurtrières,
Sans plus les fatiguer d’inutiles prières.
Quoi qu’ils fissent pour moi, leur funeste bonté
Ne me saurait payer de ce qu’ils m’ont ôté.
PHÈDRE
Non, Thésée, il faut rompre un injuste silence ;
Il faut à votre fils rendre son innocence :
Il n’était point coupable.
THÉSÉE
Ah ! père infortuné !
Et c’est sur votre foi que je l’ai condamné !
Cruelle ! pensez-vous être assez excusée...
PHÈDRE
Les moments me sont chers écoutez-moi, Thésée :
C’est moi qui sur ce fils chaste et respectueux
Osai jeter un oeil profane, incestueux.
Le ciel mit dans mon sein une flamme funeste :
La détestable Œnone a conduit tout le reste.
Elle a craint qu’Hippolyte, instruit de ma fureur,
Ne découvrît un feu qui lui faisait horreur :
La perfide, abusant de ma faiblesse extrême
S’est hâtée à vos yeux, de l’accuser lui-même.
Elle s’en est punie, et, fuyant mon courroux
A cherché dans les flots un supplice trop doux.
Le fer aurait déjà tranché ma destinée ;
Mais je laissais gémir la vertu soupçonnée :
J’ai voulu, devant vous, exposant mes remords,
Par un chemin plus lent descendre chez les morts.
J’ai pris, j’ai fait couler dans mes brûlantes veines
Un poison que Médée apporta dans Athènes.
Déjà jusqu’à mon cœur le venin parvenu
Dans ce cœur expirant jette un froid inconnu ;
Déjà je ne vois plus qu’à travers un nuage
Et le ciel et l’époux que ma présence outrage ;
Et la mort, à mes yeux dérobant la clarté
Rend au jour qu’ils souillaient toute sa pureté.
PANOPE
Elle expire, seigneur !
THÉSÉE
D’une action si noire
Que ne peut avec elle expirer la mémoire !
Allons, de mon erreur, hélas ! trop éclaircis,
Mêler nos pleurs au sang de mon malheureux fils
Allons de ce cher fils embrasser ce qui reste,
Expier la fureur d’un vœu que je déteste :
Rendons-lui les honneurs qu’il a trop mérités ;
Et, pour mieux apaiser ses mânes irrités,
Que, malgré les complots d’une injuste famille,
Son amante aujourd’hui me tienne lieu de fille !