Charlotte Brontë – Jane Eyre
Il était impossible de se promener ce
jour-là. Le matin, nous avions erré pendant une heure dans le bosquet dépouillé
de feuillages ; mais, depuis le dîner (quand il n’y avait personne, Mme
Reed dînait de bonne heure), le vent glacé d’hiver avait amené avec lui des
nuages si sombres et une pluie si pénétrante, qu’on ne pouvait songer à aucune
excursion.
J’en étais contente. Je n’ai jamais aimé
les longues promenades, surtout par le froid, et c’était une chose douloureuse
pour moi que de revenir à la nuit, les pieds et les mains gelés, le cœur
attristé par les réprimandes de Bessie, la bonne d’enfants, et l’esprit humilié
par la conscience de mon infériorité physique vis-à-vis d’Eliza, de John et de
Georgiana Reed.
Eliza, John et Georgiana étaient groupés
dans le salon auprès de leur mère ; celle-ci, étendue sur un sofa au coin
du feu, et entourée de ses préférés, qui pour le moment ne se disputaient ni ne
pleuraient, semblait parfaitement heureuse. Elle m’avait défendu de me joindre
à leur groupe, en me disant qu’elle regrettait la nécessité où elle se trouvait
de me tenir ainsi éloignée, mais que, jusqu’au moment où Bessie témoignerait de
mes efforts pour me donner un caractère plus sociable et plus enfantin, des
manières plus attrayantes, quelque chose de plus radieux, de plus ouvert et de
plus naturel, elle ne pourrait pas m’accorder les mêmes privilèges qu’aux
petits enfants joyeux et satisfaits.
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