Je ne me souviens pas de mon
enfance ; je fus probablement malheureux comme tous les ânons, joli,
gracieux comme nous le sommes tous ; très certainement je fus plein
d’esprit, puisque, tout vieux que je suis, j’en ai encore plus que mes
camarades. J’ai attrapé plus d’une fois mes pauvres maîtres, qui n’étaient que
des hommes, et qui, par conséquent, ne pouvaient pas avoir l’intelligence d’un
âne.
Je vais commencer par
vous raconter un des tours que je leur ai joués dans le temps de mon
enfance :
Les hommes n’étant pas
tenus de savoir tout ce que savent les ânes, vous ignorez sans doute, vous qui
lisez ce livre, ce qui est connu de tous les ânes mes amis : c’est que
tous les mardis il y a dans la ville de Laigle un marché où l’on vend des
légumes, du beurre, des œufs, du fromage, des fruits et autres choses
excellentes. Ce mardi est un jour de supplice pour mes pauvres confrères ;
il l’était pour moi aussi avant que je fusse acheté par ma bonne vieille
maîtresse, votre grand’mère, chez laquelle je vis maintenant. J’appartenais à
une fermière exigeante et méchante. Figurez-vous, mon cher petit maître,
qu’elle poussait la malice jusqu’à ramasser tous les œufs que pondaient ses
poules, tout le beurre et les fromages que lui donnait le lait de ses vaches,
tous les légumes et fruits qui mûrissaient dans la semaine, pour remplir des
paniers qu’elle mettait sur mon dos.
Bizarre émotion : j'ai découvert la Comtesse dans le grenier de ma grand-mère suisse. Je n'oublierai jamais le mot 'turkey' :)
RépondreSupprimerTurkey??? Je dois avoir oublié quelque chose... Il faut dire que je n'ai pas relu cette bonne comtesse depuis bien longtemps. Mais je vois qu'elle a marqué quelques générations. Je ne sais pas ce qu'il en est de la dernière !
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