Ernest
Hemingway et Francis Scott Fitzgerald
''Bar
Hemingway''. Le Ritz lui devait bien ça.
En
août 1944, il était correspondant de guerre et suivait l'armée du
général Leclerc qui allait délivrer Paris. Il déboule un matin
sous sa tente de commandement et lui demande de lui fournir un blindé
de reconnaissance, 3 jeeps et une douzaine d'hommes. ''Pour en faire
quoi?'' ''Libérer le Ritz!'' ''Vous êtes un comique, monsieur.
Retournez à votre machine à écrire et laissez moi faire mon
boulot.'' Mais le 25 août je l'ai ''entendu'' arriver dans le bar.
Il avait un drôle d'uniforme mi-civil, mi-militaire, un révolver à
la ceinture, un calot sur la tête, un cigare aux lèvres. Il m'a
crié :''Bertin, je suis de retour! Mon Bloody Mary s'il te plait.''
Et il a éclaté d'un énorme rire. C'est moi qui avait inventé pour lui ce
cocktail, sans odeur mais pas sans goût, vodka et jus de
tomate, pour que sa femme, cette ''satanée Mary'' (Bloody Mary) ne
sente rien dans son haleine...
Un
barman doit tout voir, tout entendre et savoir se taire. Je ne serais
pas resté aussi longtemps à cette place si je n'avais pas eu ces
qualités. Mais aujourd'hui, il y a prescription. Je suis
probablement un des derniers témoins du temps où Paris était une
fête et le bar du Ritz le centre du monde. J'y ai vu défiler tout
ce que Paris avait de célébrités des arts et des lettres, de la
politique, des affaires, du monde et du demi-monde.
Mais
je garde une tendresse particulière pour deux personnages. Ernest et
Francis Scott. Jamais je ne me serais permis de les appeler par leur
prénom. Mais aujourd'hui!!
Ils
étaient amis et pourtant il était difficile d'imaginer deux
personnalités aussi éloignées l'une de l'autre. La force de la
nature et le dandy délicat, le correspondant de guerre et l'habitué
de l'Hôtel du Cap et d'Eden Roc, le romancier fougueux et puissant
de l'Adieu aux armes et Pour qui sonne le glas et le romancier
raffiné de Gatsby le magnifique et de Tendre et la nuit, l'amoureux
de l'amour et des femmes et l'homme d'une seule femme.
Mais
ils étaient les deux plus beaux représentants de ce que l'on a
appelé ''la génération perdue''. Le côté va-t’en guerre de
l'un et le cynisme de l'autre cachaient leur scepticisme et des failles
profondes. Et le tragique de leur fin les a réunis.
J'ai
souvent pensé qu'il y avait une forme d'ambiguïté dans leurs
rapports. En relisant ‘’Paris est une fête’’ j'ai retrouvé
cette description de Francis Scott: '' C'était un adolescent dont le
visage oscillait entre la joliesse et la beauté. Il avait des
cheveux ondulés, très blonds, un regard vif et cordial et une
bouche délicate aux lèvres allongées, typiquement irlandaise, qui
dans un visage féminin aurait été la bouche de la beauté. Une
bouche troublante pour qui ne connaissait pas Scott, plus troublante
encore pour qui le connaissait... Scott était un homme qui
ressemblait à une fille''.
A suivre demain...
Mardi 0557 ici. Si bon de voir ces mots avec ma première tasse de café!
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