Le
garçon habitait un petit studio au 7ème étage d’un vieil
immeuble de la rue Pavée. Sans ascenseur. Christian qui montait
derrière lui remarqua la largeur de ses épaules sous le sweat,
l’étroitesse de ses hanches et la longueur de ses jambes sous le
jean délavé et ses Nike immaculées. Un frisson lui parcourut le
dos. Le désir et la légère angoisse d’un plaisir inconnu et
transgressif. La pensée de ne pas bander lui traversa l’esprit.
Arrivé sur le palier, le garçon releva un peu son sweat et décrocha
d’un passant de ceinture un petit mousqueton où pendaient 3 ou 4
clés. Il ouvrit la porte et invita Christian à le suivre. A peine
entrés il le plaqua contre la porte, prit son visage entre ses mains
et l’embrassa. Christian apprécia le contact des lèvres mais eut
un mouvement de recul quand il sentit la langue du garçon s’insinuer
dans la sienne. Il eut le sentiment d’avoir un morceau de barbaque
humide, molle et tiédasse dans la bouche. Il le repoussa un peu
brutalement. Le garçon sourit et se rapprocha du lit ! Il enleva son
sweat et le tee-shirt qu’il portait dessous. La vue de ce corps
blanc et imberbe et des deux tétons brun foncé électrisa
Christian. Le garçon fit valser ses Nike à l’autre bout de la
pièce et fit tomber son jean et son caleçon. Il était nu à
l’exception de ses chaussettes blanches. Il avait le pubis rasé.
Christian fut surpris de la taille de son sexe plus grand que le
sien. Il n’imaginait pas qu’un garçon aussi fin, presque
féminin, put avoir un outil de cette taille. Mais il allait remettre
les choses à leur place et lui montrer qui était le mec ! Il enleva
sa veste, sa cravate et sa chemise et les jeta en vrac sur le sol ce
qui n’était pas vraiment sa manière d’agir. Il défit sa
ceinture et son pantalon sur les chevilles il s’approcha du garçon
et le poussa sur le lit où il le suivit. Il lui écarta les jambes
et les mit sur ses épaules et voulut immédiatement le pénétrer.
Mais trop maladroitement. Il n’y arrivait pas. Il n’avait jamais
osé un tel geste avec sa femme. Le garçon dut le guider. Quand il
eut trouvé son chemin, il le pénétra d’un seul coup, sans
ménagement. Le garçon étouffa un petit cri et fit une grimace de
douleur. ‘’Doucement’’ dit-il. Y a des capotes et du gel sur
la table de nuit’’. Christian s’aperçut que cela l’excitait
encore plus. Il accéléra la cadence et la violence de ses coups de
reins. Une larme de douleur roula sur la joue du garçon. Et cette
vision amena Christian à l’orgasme. Un orgasme brutal comme il
n’en avait jamais connu. Il s’effondra à bout de souffle sur le
corps du garçon qui voulut l’enserrer dans ses bras. Mais une fois
de plus Christian le repoussa et roula sur le côté. Il ne voulait
surtout pas de tendresse. Le garçon se redressa sur un coude Et lui
dit en souriant :’’ Eh ben dis donc t’es rien pressé toi !
Mais tu sais, un vrai plaisir faut qu’il soit partagé. Tu vas
voir. Attends un moment. Tu veux un café ?’’ Il se leva et
retira les chaussures et le pantalon de Christian. Celui-ci n’éprouva
aucune gêne à être nu. Il lui suffisait que les rôles aient été
distribués.
Le
café bu, le garçon revint se coucher et ses mains caressèrent le
corps de Christian. Il fut surpris d’apprécier les caresses de ces
mains grandes, aux doigts longs et fins, aux phalanges marquées et
aux ongles larges et soignés. Au bout d’un moment le garçon lui
demanda de se retourner pour lui masser le dos. Mais rapidement ses
caresses se concentrèrent sur le bas de son dos et ses fesses. Il
eut un mouvement de contraction. ‘’Chuttt’’ dit le garçon.
Christian sentit un liquide froid glisser entre ses fesses. Les
caresses se firent plus précises. ‘’Non’’ fit Christian,
mais sans bouger. Il ressentait un plaisir nouveau. Le garçon
s’allongea sur son dos, fit passer ses avant-bras sous les
aisselles de Christian et le tint aux épaules. Sa bouche était
contre son oreille. ‘’Ne crains rien. Laisse-toi faire. Je ne te
ferai pas mal’’. Christian sentit le sexe du garçon glisser
plusieurs fois entre ses fesses avant de le pénétrer doucement. La
douleur le fit se contracter. Le garçon s’arrêta immédiatement.
Il resta un long moment sans bouger. Puis il reprit doucement ses
mouvements. La douleur disparut peu à peu avant de laisser place à
un plaisir totalement inconnu de Christian. Il s’ abandonna
totalement. Au bout d’un moment (combien de temps ?) les mouvements
du garçon s’accélérèrent et il fit entendre de sourds
grognements jusqu’au cri final accompagné de trois, quatre spasmes
dans les reins de Christian. Il avait joui. Mais le plus
extraordinaire pour Christian c’est qu’il avait joui lui aussi.
Comme ça sans qu’on le touche, sans qu’il se touche. Il ne
pensait pas que ce soit possible. Le garçon allongé sur son dos lui
dit ‘’ Merci, c’était bon. Mais je vois que toi aussi tu as
pris ton pied. C’est bien’’ Et il l’embrassa dans le cou.
Encore une fois Christian refusa cet instant de tendresse. ‘’Je
peux prendre une douche ‘’demanda-t-il ? Il passa dans la salle
de bains. Se regarda dans le miroir au-dessus du lavabo. Et ce qu’il
vit lui fit peur.
Appuyé
sur la tablette du lavabo, Christian eut du mal à se reconnaître.
Les cheveux en bataille avaient eu raison du gel du matin. Les
sourcils froncés creusaient une ride profonde au milieu du front.
Les yeux bleus étaient devenus presque noirs. Les paupières
luisantes et les larges cernes bruns semblaient creuser les orbites
d’où jaillissait un regard fiévreux. Les lèvres étaient pincées
en une forme de rictus et les dents serrées faisaient jaillir les
maxillaires de la mâchoire. Les tendons semblaient ressortir du cou
tendu en avant. Sur la peau grisâtre des joues apparaissaient les
contours d'une barbe pourtant rasée de frais le matin même.
C’est
alors qu’il se rendit compte qu’il avait la migraine. Une
migraine qui lui tenaillait le front et lui cognait les tempes à
chaque battement de cœur. Depuis quand avait-il mal ? Probablement
depuis qu’il était descendu du métro. Cette migraine était
accompagnée d’une nausée qui lui tordait l’estomac et qu’il
savait ne pas pouvoir éliminer. Elle était nourrie de sentiments
qu’il ignorait jusque-là. Le mépris. La honte. La souillure.
L’avilissement. Le mépris de ces garçons pour qui la satisfaction
de leur vice sexuel devait être facile et immédiate et qui se
foutaient des conséquences pour les autres. La honte de lui-même
d’avoir désiré le cul d’un homme et d’y avoir cédé. Les
mots qu’il entendait en famille ou parmi ses amis lui traversaient
l’esprit : pédéraste, inverti, sodomite, tante, jaquette… Il en
avait rejoint les rangs. Et tout ça à cause de ce petit mec… Il
se sentait souillé d’avoir été possédé par lui, de n’avoir
rien dit, d’avoir de lui-même écarté ses jambes. Mais plus que
tout il se sentait avili d’y avoir trouvé du plaisir. Cela il ne
le lui pardonnerait jamais, pas plus qu’à lui-même. Comment en
était-il arrivé là ? Et en à peine plus d’une heure.
Il
fallait qu’il prenne une douche brulante pour se laver. Il enleva
sa montre et la posa sur le lavabo. Il vit la gravure au dos du
boitier. ‘’De Françoise à Christian pour 5 ans de bonheur’’
et la date de leur mariage. Il eut un haut-le-cœur ! Cinq ans de
bonheur cette vie fade et tiède ? Ces journées, ces mois, ces
années répétitives, toujours identiques ? Ces nuits sans passion ?
Ce sexe sans surprises, presque sans désir. Il se rendit brusquement
compte qu’il ne supporterait plus cette vie ; et elle pas
davantage. Il se pencha sur le lavabo et vomit toute sa bile.
Dix
minutes plus tard il revint dans la chambre les cheveux et le corps
encore humides. Le garçon était toujours allongé sur le lit les
bras croisés au-dessus de la tête, la jambe gauche repliée sous la
droite le sexe reposant sur la cuisse. Il souriait. ‘’Tu es très
beau. On remets çà ? J’ai envie de toi chéri.’’ Le mot le
gifla. Il eut une imperceptible crispation. Il s’avança, monta sur
le lit et s’assit à califourchon sur le bassin du garçon et se
pencha comme pour l’embrasser. Le sourire du garçon s’élargit.
Ce fut la dernière fois que Christian vit son visage. Brusquement
Christian saisit l’oreiller et le plaqua sur sa tête. Au bout de 3
secondes le garçon lui tapota le bras comme pour dire’’ Bon ça
suffit comme ça.’’ Christian augmenta la pression. Il entendit
les cris étouffés par l’oreiller. La panique le gagnait. Il mit
ses bras sur les épaules de Christian pour essayer de le repousser.
Mais il ne faisait pas le poids. Il se mit à gigoter dans tous les
sens. D’un mouvement du bras il renversa la table de nuit et la
lampe de chevet. Entre les jambes de Christian son corps se cabrait
comme un cheval pour désarçonner son cavalier. En se cambrant le
bassin du garçon venait cogner l’entre jambe de celui qui était
en train de le tuer. Et plus le garçon se débattait plus Christian
bandait. Combien de temps cela dura-t-il ? Une éternité ! 25
secondes, peut-être 30. Puis tout s’arrêta. Les mouvements
cessèrent. Christian fut alors pris de tremblements. L’orgasme lui
déchira le bas-ventre et les reins. Il jouit longuement sur le
ventre blanc, imberbe et sans vie du garçon. Il se releva, ramassa
une serviette de toilette au pied du lit et s’essuya. Il s’aperçut
tout de suite du changement opéré en lui. Sa migraine avait disparu
et il avait le sentiment d’avoir retrouvé la maîtrise de son
corps et de ses esprits. Il devait maintenant quitter rapidement les
lieux.
Rhabillé,
il se dirigea vers la porte d’entrée. Il se retourna une dernière
fois. Il vit le garçon le coussin toujours sur sa tête, étendu les
bras et les jambes en croix, le ventre souillé de son sperme. Il
ouvrit la porte, sortit et la referma doucement derrière lui. Au
même moment la porte d’en face sur le palier s’entrouvrit. Une
vieille dame aux cheveux blancs passa la tête :’’J’ai entendu
du bruit chez monsieur Kevin. Tout va bien ?’’ Christian
descendit rapidement les escaliers. Il se retrouva rue Pavée qu’il
suivit jusqu’à la rue Saint Antoine et la station de métro Saint
Paul le Marais. Tout avait commencé là et tout finissait là. Il
monta dans la troisième voiture de la rame et s’assit à sa place
habituelle à droite sur le strapontin. Il s’aperçut qu’il avait
oublié dans le studio son Libé et Les Echos. C’est à ce
moment-là qu’il se rendit compte, avec un frisson glacé dans le
dos, qu’il avait également laissé sa montre avec sa dédicace,
sur la tablette du lavabo.
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