Le condamné à mort 1
O la douceur du bagne impossible et lointain!
O le ciel de la Belle, ô la mer et les palmes,
Les matins transparents, les soirs fous, les nuits calmes,
O les cheveux tondus et les Peaux-de-Satin!
Rêvons ensemble, Amour, à quelque dur amant
Grand comme l’Univers mais le corps taché d’ombres
Il nous bouclera nus dans ces auberges sombres,
Entre ses cuisses d’or, sur son ventre fumant,
Un mac éblouissant taillé dans un archange
Bandant sur les bouquets d’œillets et de jasmins
Que porteront tremblants tes lumineuses mains
Sur son auguste flanc que ton baiser dérange.
Tristesse dans ma bouche! Amertume gonflant
Gonflant mon pauvre cœur! Mes amours parfumées
Adieu vont s’en aller! Adieu couilles aimées!
O sur ma voix coupée adieu chibre insolent!
Gamin ne chantez pas, posez votre air d’apache!
Soyez la jeune fille au pur cou radieux,
Ou si tu n’as de peur l’enfant mystérieux
Mort en moi bien avant que me tranche la hache.
Enfant d’honneur si beau couronné de lilas!
Penche-toi sur mon lit, laisse ma queue qui monte
Frapper ta joue dorée. Écoute il te raconte,
Ton amant l’assassin sa geste en mille éclats.
Il chante qu’il avait ton corps et ton visage,
Ton cœur que n’ouvriront jamais les éperons
D’un cavalier massif. Avoir tes genoux ronds!
Ton cou frais, ta main douce, ô môme avoir ton âge!
Et faire un seul chef d’œuvre avec les morts cueillies
Ça et là dans les prés, les haies, morts éblouies
De préparer sa mort, son ciel adolescent…
Les matins solennels, le rhum, la cigarette…
Les ombres du tabac, du bagne et des marins
Visitent ma cellule où me roule et m’étreint
Le spectre d’un tueur à la lourde braguette.
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