Dans le cadre du PZ et avec ses chanteurs et clients J. patron du PZ créé ''Choeur Accord'' la première chorale gay... J'y reviendrai un jour ou l'autre. Anyway... Septembre 83. Théatre
du 12ème arrondissement.Choeur Accord donne son
spectacle. Un pot pourri totalement décalé de chansons françaises et une parodie déjantée de la Vie Parisienne.
A l'entracte les membres de la troupe descendent dans la
salle pour vendre des cartes de soutien à l'association.
''Madame
vous prenez une carte?''
La
femme, belle, élégante souffle la fumée qu'elle vient de tirer de
son long fume cigarette noir:
''Je
vais vous prendre une carte mon jeune ami. Mais vous savez, je vous
ai fait un cadeau beaucoup plus important! Je vous ai donné mon
fils;''
De
retour dans les coulisses:
''Renaud,
je viens de vendre une carte à ta mère. Tu sais pas ce qu'elle m'a
répondu? J'en suis sur le cul!''
J’ai
fait mon outing auprès de ma mère dès mon retour d'Afrique en 75
bien aidé en cela par ma sœur. Je me rends vite compte qu'il est
très difficile de cacher un homme dans sa vie quand on est
amoureux...
Bien
qu'elle soit au courant de, presque , toute ma vie, elle reste
taraudée par une curiosité. ''Je sais que tu chantes souvent le
soir au Piano Zinc.''
Elle
aurait eu du mal à l'ignorer. J'habite au premier étage au-dessus
de l’endroit.
''Ca
m'aurait fait plaisir de t'écouter.'' Je sens la perche sous le
conditionnel.
''Pas
de problème ma chérie, vous venez quand vous voulez.'' *
Cela
me ferait plaisir aussi. Je sais que c'est à elle que je dois ce
goût de chanter et de la chanson. C'est sur notre phono que j'ai
découvert Trénet, Jean Sablon, Félix Leclerc, Piaf, Lucienne
Delyle, Mireille et Jean Nohain, Guétary, Mariano, Moreno, Patachou,
André Claveau, Mouloudji, Ray Ventura et Jacques Hélian, Les
Compagnons de la Chanson, Yvette Giraud, Mick Michel et Marie
José..... Vous en voulez d'autres?... mais je parle d'un
temps....Certaines de mes partitions étaient les siennes quand elle
jouait du piano et se délassait les doigts de Chopin, Debussy,
Schubert, Liszt, Schumann...
''Mais
je vais être ridicule! Une maman qui vient écouter son fifils...''
Le
Piano est un endroit gay mais mixte, hétéro friendly, ouvert à
tous sous réserve de tolérance. Mais c'est vrai que les mères des
chanteuses ne constituent pas l'essentiel de son fond de clientèle.
‘‘Je
vous promets que tout se passera bien et que vous serez reçue comme
une reine''!
J'ai
failli rajouter quelque chose, mais je me suis abstenu!!
''Ecoutez
ma chérie, venez dîner samedi à la maison. On terminera la soirée
en bas.''
Je
ne suis pas inquiet mais je préfère baliser un peu le terrain. Je
préviens J. Il est ravi. Il la connaît et elle l'aime bien. Je
préviens aussi les barmen des 3 niveaux. Au 2ème sous-sol c'est
Pierrot. Un chauffeur de taxi qui a vendu sa licence pour devenir
barman au Piano. C'est un peu l'homme à tout faire, l'homme de
confiance: barman, électricien, plombier, videur si nécessaire,
gardien de l'ordre et de la moralité du lieu, s' il y a un savon à
passer au personnel c'est lui qui s'y colle. C'est lui qui lance les
soirées avec ''Julie la Rousse''. Sa chevelure frisée tire
légèrement sur le roux, il a des yeux verts et une grosse
moustache, un vrai accent parigot et une gouaille qui peut être
assassine. Lui et moi c'est pas le grand amour mais je sais qu'il
peut être adorable avec les personnes d'un certain âge. Il me dit
ne pas m'inquiéter.
Le
samedi suivant après avoir diné à la maison on descend vers 22h au
Piano. Le premier niveau est déjà plein. On tourne vers l'escalier
''Piaf''. Le premier niveau se remplit petit à petit. On se glisse
vers le bar. Il reste un tabouret vide tout contre la scène. Le
sien. On lui prend son manteau. Elle porte une petite robe noire. La
fameuse petite robe noire toute simple que toute femme élégante se
doit d'avoir dans sa garde-robe depuis Chanel. Un collier de
perles, une broche en or, un jonc en or au poignet et une émeraude
au doigt. Rien à redire. Une très légère fragrance de
''Shalimar''.
''Je
peux fumer?'' Elle sort son fume cigarette noir. Ce soir il a des
éclats brillants (de verre faut pas exagérer quand même). 3
briquets se tendent (des Bic...)
''Vous
prenez une coupe ma chérie?'' ''Oui volontiers.'' '' Philippe une
coupe s'il te plait et un demi pour moi.'' ''Philippe? Renaud m'a
parlé de vous il paraît que vous avez une voix superbe.''
Et
la soirée démarre. La salle est pleine. Le pianiste s'installe.
Trois chanteurs répètent rapidement une chanson.
Pierrot
arrive, monte sur l'estrade. ''Bonsoir. Bienvenue au Piano Zinc''. Le
pianiste attaque les premières notes de ''Julie la Rousse''. Pierrot
se penche vers ma mère :'' Madame cette soirée du Piano Zinc est
pour vous.'' Ma mère est ravie et je me dis ''Putain que j'aime cet
endroit''!
Quand
c'est mon tour, j'attaque comme toujours par '' Y a d'la joie''.
L'effet euphorisant de cette chanson se vérifie soir après soir! Et
puis j'ose un ''I wanna be loved by you'' un peu décalé. Je sais
que ça marche et que le ''Poo poo pee doo! Poooooo!!'' final
déclenche mécaniquement le rire. Et si les gens rient c'est gagné.
Elle rit! Je termine par la ''Ballade des baladins''. Je me tais à
la fin de la chanson et laisse la salle chanter. Autre effet garanti.
Je
descends de ma petite estrade. Ma mère n'applaudit pas. Elle pose
son verre de champagne sur le comptoir et me tend sa main, paume vers
le bas. Compris! Je lui baise la main!
A
2h du matin la soirée se termine. Elle descend de son tabouret. Je
l'aide, discrètement, à remonter l'escalier. Bonsoir, bonsoir,
merci!! Je la raccompagne jusqu'au taxi qui nous attend au coin de la
rue des Blancs Manteaux et de la rue du Temple.
Ma
mère avait été assez impressionnée par les différentes
prestations télévisées d'Yves Navarre. Pour en savoir un peu plus
sur ce milieu et son fils elle avait acheté un de ses livres. Elle
était tombée sur les ''Loukoums''! Le choc avait été rude et
déstabilisant. Elle avait eu du mal à se remettre de cette plongée dans les bas fonds gay de N.Y. Elle n'y faisait jamais allusion, mais je sentais ses
mises en garde plus fréquentes; Cette soirée au Piano Zinc allait
remettre les choses à leur place et moi à la mienne dans ce milieu.
''Tu
sais Renaud, je n'ai pas sauté de joie en apprenant ta... heu... ce
que...en fin bref j'aurais préféré autre chose! Mais puisque c'est
comme ça je dois te dire que j'ai passé une superbe soirée, que
j'ai compris pas mal de choses et que tes amis, y a rien à dire, ils
sont charmants''.
Le portrait de ta maman, un bonheur! Chapeau, madame.
RépondreSupprimerMerci Nina; c'est peu dire que je l'ai aimée. Je lui dois beaucoup de ce que je suis, de ce que je sais. Elle a été ma directrice littéraire, musicale (variétés et classique), m'a fait découvrir les grands films français, US, italiens d'avant et d'après guerre. Dans ma chambre Lagarde et Michard voisinaient avec Cinémonde et CinéRevue. Les jeudis d'antan ma soeur et moi avons plus connu les salles obscures que le grand air des parcs... Grâces lui en soient rendues...
Supprimeridem pour ma maman grâce à qui je connais et adore le cinéma classique
SupprimerLes chansons entendues dans l'enfance gardent pour toujours un goût unique.
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