mercredi 5 octobre 2016

Vous faisiez quoi avant? Chanteuse au PZ. Suite et fin (provisoire...)

Dans le cadre du PZ et avec ses chanteurs et clients J. patron du PZ créé ''Choeur Accord'' la première chorale gay... J'y reviendrai un jour ou l'autre. Anyway... Septembre 83. Théatre du 12ème arrondissement.Choeur Accord donne son spectacle. Un pot pourri totalement décalé de chansons françaises et une parodie déjantée de la Vie Parisienne. 


A l'entracte les membres de la troupe descendent dans la salle pour vendre des cartes de soutien à l'association.
''Madame vous prenez une carte?''
La femme, belle, élégante souffle la fumée qu'elle vient de tirer de son long fume cigarette noir:
''Je vais vous prendre une carte mon jeune ami. Mais vous savez, je vous ai fait un cadeau beaucoup plus important! Je vous ai donné mon fils;''
De retour dans les coulisses:
''Renaud, je viens de vendre une carte à ta mère. Tu sais pas ce qu'elle m'a répondu? J'en suis sur le cul!''
J’ai fait mon outing auprès de ma mère dès mon retour d'Afrique en 75 bien aidé en cela par ma sœur. Je me rends vite compte qu'il est très difficile de cacher un homme dans sa vie quand on est amoureux...

Bien qu'elle soit au courant de, presque , toute ma vie, elle reste taraudée par une curiosité. ''Je sais que tu chantes souvent le soir au Piano Zinc.''
Elle aurait eu du mal à l'ignorer. J'habite au premier étage au-dessus de l’endroit.
''Ca m'aurait fait plaisir de t'écouter.'' Je sens la perche sous le conditionnel.
''Pas de problème ma chérie, vous venez quand vous voulez.'' *
Cela me ferait plaisir aussi. Je sais que c'est à elle que je dois ce goût de chanter et de la chanson. C'est sur notre phono que j'ai découvert Trénet, Jean Sablon, Félix Leclerc, Piaf, Lucienne Delyle, Mireille et Jean Nohain, Guétary, Mariano, Moreno, Patachou, André Claveau, Mouloudji, Ray Ventura et Jacques Hélian, Les Compagnons de la Chanson, Yvette Giraud, Mick Michel et Marie José..... Vous en voulez d'autres?... mais je parle d'un temps....Certaines de mes partitions étaient les siennes quand elle jouait du piano et se délassait les doigts de Chopin, Debussy, Schubert, Liszt, Schumann...
''Mais je vais être ridicule! Une maman qui vient écouter son fifils...''
Le Piano est un endroit gay mais mixte, hétéro friendly, ouvert à tous sous réserve de tolérance. Mais c'est vrai que les mères des chanteuses ne constituent pas l'essentiel de son fond de clientèle.
‘‘Je vous promets que tout se passera bien et que vous serez reçue comme une reine''!
J'ai failli rajouter quelque chose, mais je me suis abstenu!!
''Ecoutez ma chérie, venez dîner samedi à la maison. On terminera la soirée en bas.''
Je ne suis pas inquiet mais je préfère baliser un peu le terrain. Je préviens J. Il est ravi. Il la connaît et elle l'aime bien. Je préviens aussi les barmen des 3 niveaux. Au 2ème sous-sol c'est Pierrot. Un chauffeur de taxi qui a vendu sa licence pour devenir barman au Piano. C'est un peu l'homme à tout faire, l'homme de confiance: barman, électricien, plombier, videur si nécessaire, gardien de l'ordre et de la moralité du lieu, s' il y a un savon à passer au personnel c'est lui qui s'y colle. C'est lui qui lance les soirées avec ''Julie la Rousse''. Sa chevelure frisée tire légèrement sur le roux, il a des yeux verts et une grosse moustache, un vrai accent parigot et une gouaille qui peut être assassine. Lui et moi c'est pas le grand amour mais je sais qu'il peut être adorable avec les personnes d'un certain âge. Il me dit ne pas m'inquiéter.
Le samedi suivant après avoir diné à la maison on descend vers 22h au Piano. Le premier niveau est déjà plein. On tourne vers l'escalier ''Piaf''. Le premier niveau se remplit petit à petit. On se glisse vers le bar. Il reste un tabouret vide tout contre la scène. Le sien. On lui prend son manteau. Elle porte une petite robe noire. La fameuse petite robe noire toute simple que toute femme élégante se doit d'avoir dans sa garde-robe depuis Chanel. Un collier de perles, une broche en or, un jonc en or au poignet et une émeraude au doigt. Rien à redire. Une très légère fragrance de ''Shalimar''.
''Je peux fumer?'' Elle sort son fume cigarette noir. Ce soir il a des éclats brillants (de verre faut pas exagérer quand même). 3 briquets se tendent (des Bic...)
''Vous prenez une coupe ma chérie?'' ''Oui volontiers.'' '' Philippe une coupe s'il te plait et un demi pour moi.'' ''Philippe? Renaud m'a parlé de vous il paraît que vous avez une voix superbe.''
Et la soirée démarre. La salle est pleine. Le pianiste s'installe. Trois chanteurs répètent rapidement une chanson.
Pierrot arrive, monte sur l'estrade. ''Bonsoir. Bienvenue au Piano Zinc''. Le pianiste attaque les premières notes de ''Julie la Rousse''. Pierrot se penche vers ma mère :'' Madame cette soirée du Piano Zinc est pour vous.'' Ma mère est ravie et je me dis ''Putain que j'aime cet endroit''!
Quand c'est mon tour, j'attaque comme toujours par '' Y a d'la joie''. L'effet euphorisant de cette chanson se vérifie soir après soir! Et puis j'ose un ''I wanna be loved by you'' un peu décalé. Je sais que ça marche et que le ''Poo poo pee doo! Poooooo!!'' final déclenche mécaniquement le rire. Et si les gens rient c'est gagné. Elle rit! Je termine par la ''Ballade des baladins''. Je me tais à la fin de la chanson et laisse la salle chanter. Autre effet garanti.
Je descends de ma petite estrade. Ma mère n'applaudit pas. Elle pose son verre de champagne sur le comptoir et me tend sa main, paume vers le bas. Compris! Je lui baise la main!
A 2h du matin la soirée se termine. Elle descend de son tabouret. Je l'aide, discrètement, à remonter l'escalier. Bonsoir, bonsoir, merci!! Je la raccompagne jusqu'au taxi qui nous attend au coin de la rue des Blancs Manteaux et de la rue du Temple.
Ma mère avait été assez impressionnée par les différentes prestations télévisées d'Yves Navarre. Pour en savoir un peu plus sur ce milieu et son fils elle avait acheté un de ses livres. Elle était tombée sur les ''Loukoums''! Le choc avait été rude et déstabilisant. Elle avait eu du mal à se remettre de cette plongée dans les bas fonds gay de N.Y. Elle n'y faisait jamais allusion, mais je sentais ses mises en garde plus fréquentes; Cette soirée au Piano Zinc allait remettre les choses à leur place et moi à la mienne dans ce milieu.
''Tu sais Renaud, je n'ai pas sauté de joie en apprenant ta... heu... ce que...en fin bref j'aurais préféré autre chose! Mais puisque c'est comme ça je dois te dire que j'ai passé une superbe soirée, que j'ai compris pas mal de choses et que tes amis, y a rien à dire, ils sont charmants''.

4 commentaires:

  1. Le portrait de ta maman, un bonheur! Chapeau, madame.

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    1. Merci Nina; c'est peu dire que je l'ai aimée. Je lui dois beaucoup de ce que je suis, de ce que je sais. Elle a été ma directrice littéraire, musicale (variétés et classique), m'a fait découvrir les grands films français, US, italiens d'avant et d'après guerre. Dans ma chambre Lagarde et Michard voisinaient avec Cinémonde et CinéRevue. Les jeudis d'antan ma soeur et moi avons plus connu les salles obscures que le grand air des parcs... Grâces lui en soient rendues...

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    2. idem pour ma maman grâce à qui je connais et adore le cinéma classique

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  2. Les chansons entendues dans l'enfance gardent pour toujours un goût unique.

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