Maldoror
Mal
d'horreur
Mâle
odeur
Mâle
ardeur
Vertige
de l'horreur à travers les catacombes obscures de la vie
Gentleman
vampirique,
Ténébreux
hystérique
Aux
yeux spleenetiques
Géant
des tempêtes des océans hideux, grand voyant de l'abîme
Verge
vipérine, poule de Cochinchine
Chauve-souris,
araignée, sangsue, le poulpe et le pou
Ecriture
de larme et de sang
Beau
comme la rencontre fortuite d'un parapluie et d'une machine à coudre
sur une table de dissection
Debout!
Qui êtes-vous Ducasse Isidore
Caché
sous ce faux nez, ce nom de Maldoror!
Je
suis sale. Les poux me rongent. Les pourceaux, quand ils me
regardent, vomissent. Les croûtes et les escarres de la lèpre ont
écaillé ma peau, couverte de pus jaunâtre. Je ne connais pas l’eau
des fleuves, ni la rosée des nuages. Sur ma nuque, comme sur un
fumier, pousse un énorme champignon, aux pédoncules ombellifères.
Assis sur un meuble informe, je n’ai pas bougé mes membres depuis
quatre siècles. Mes pieds ont pris racine dans le sol et composent,
jusqu’à mon ventre, une sorte de végétation vivace, remplie
d’ignobles parasites, qui ne dérive pas encore de la plante, et
qui n’est plus de la chair. Cependant mon cœur bat. Mais comment
battrait-il, si la pourriture et les exhalaisons de mon cadavre (je
n’ose pas dire corps) ne le nourrissaient abondamment ? Sous
mon aisselle gauche, une famille de crapauds a pris résidence, et,
quand l’un d’eux remue, il me fait des chatouilles. Prenez garde
qu’il ne s’en échappe un, et ne vienne gratter, avec sa langue,
le dedans de votre oreille : il serait ensuite capable d’entrer
dans votre cerveau. Sous mon aisselle droite, il y a un caméléon
qui leur fait une chasse perpétuelle, afin de ne pas mourir de
faim : il faut que chacun vive. Mais, quand un parti déjoue
complètement les ruses de l’autre, ils ne trouvent rien de mieux
que de ne pas se gêner, et sucent la graisse délicate qui recouvre
mes côtes : j’y suis habitué. Une vipère méchante a dévoré
ma verge et a pris sa place : elle m’a rendu eunuque, cette
infâme. Oh ! si j’avais pu me défendre avec mes deux bras
paralysés ; mais, je crois plutôt qu’ils se sont changés en
bûches. Quoi qu’il en soit, il importe de constater que le sang ne
vient plus y promener sa rougeur. Deux petits hérissons, qui ne
croissent plus, ont jeté à un chien, qui n’a pas refusé,
l’intérieur de mes testicules : l’épiderme soigneusement
lavé, ils ont logé dedans. L’anus a été intercepté par un
crabe ; encouragé par mon inertie, il garde l’entrée avec
ses pinces, et me fait beaucoup de mal ! Deux méduses ont
franchi les mers, immédiatement alléchées par un espoir qui ne fut
pas trompé. Elles ont regardé avec attention les deux parties
charnues qui forment le derrière humain, et, se cramponnant à leur
galbe convexe, elles les ont tellement écrasées par une pression
constante, que les deux morceaux de chair ont disparu, tandis qu’il
est resté deux monstres, sortis du royaume de la viscosité, égaux
par la couleur, la forme et la férocité. Ne parlez pas de ma
colonne vertébrale, puisque c’est un glaive.
Terrible ! Passionnant 19ème siècle qui nous a ouvert les portes.
RépondreSupprimerSi une personne, je ne parle pas de toi bien sûr, a pu découvrir Lautréamont à travers ce texte, ce sera pas mal... Je l'ai lu pendant mon service militaire. Ce fut un choc... J'avais été anéanti par la phrase ( je m'en souviens encore) Ô pédérastes incompréhensibles, ce n'est pas moi qui lancerai des injures à votre grande dégradation, qui viendrai jeter le mépris sur votre anus infundibuliforme... Je me suis précipité sur mon petit Larousse pour savoir ce que ce mot voulait dire.
RépondreSupprimerJ'en relis de temps en temps quelques pages mais ce n'est plus ça.